Et voilà que le sommeil revenait et le Dreamcaster avait cherché un lieu où se coucher. Il ne craignait ni les prédateurs nocturnes ni le froid ni les vents, Prison-Oublie était une plaine stérile et morte en tous points. Elle semblait avoir été choisie car il ne s’y passait jamais rien et les jours étaient pareils aux nuits. La seule chose qu’appréciait le Dreamcaster était les levés et couchers de soleil : il n’en manquait jamais aucun car alors l’atmosphère prenait des teintes nouvelles et le monde changeait un peu. Dans ces paysages renouvelés, il trouvait matière à son imagination et puisait des couleurs pour ses rêves. Ainsi le monde rêvé semblait souvent suspendu entre aube et crépuscule, heures ambiguës, propices aux monstres, aux mystères et aux romances.
Le Dreamcaster avait cherché un abri. Moins par besoin car il ne courait jamais aucun danger que par un vieux réflexe de sa race qui le poussait à s’allonger blotti contre quelque chose, fut-ce le contrefort de quelque cratère austère ou sous l’ombre biscornue d’un pic rocheux. Cette infime impression de sécurité était nécessaire pour qu’au moment où sa conscience se relâchait, il ne sombre pas dans un cauchemar tendu, et ses rêves lui en étaient gré.
Comme toutes les nuits le Dreamcaster s’était endormi et il avait rêvé. Un drôle de rêve cette fois, plus étrange que les derniers, plus agressif. Il ressentait l’angoisse de milliers de personne en même temps, une course effrénée pour quelque chose d’urgent et des nuages de fumée. Beaucoup de fumée dans laquelle des hommes armés s’affrontaient pour pénétrer dans une pièce close. Il lui apparut que quelque chose d’important s’y trouvait et que c’était pour cela qu’on se battait mais si d’ordinaire le Dreamcaster avait une idée claire, pendant ses rêves, de pourquoi les gens s’affrontaient, les enjeux cette fois étaient plus flous.
Parmi tous ceux qui s’agitaient dans son rêve, le Dreamcaster choisit de focaliser son attention sur le petit groupe d’attaquant. Parfois il préférait rêver des postes de contrôle, avec leurs moniteurs et leurs caméras, des salles de réunion de crise et parfois simplement de n’importe qui, des gens normaux et a priori sans histoire, qui vivait pourtant par écho les grandes aventures dont rêvait le Dreamcaster. Ils étaient de simples gens, assis sur la plage, et aux pieds desquels les grandes vagues profondes venaient clapoter et mourir en écume.
Mais pas cette fois. Cette fois le Dreamcaster avait soif d’action et il regardait la discipline militaire de ces jeunes héros qui se couvraient et mourraient pour une cause noble. Minute après minutes, ils progressaient vers la pièce, pressés par l’arrivée imminente des renforts de la police. Y arriveraient-ils à temps ?
Des trente qui participaient au commando, seuls six sont encore en vie. Quatre tirs à feux nourris en direction des gardes, les deux autres piratent la porte. De grosses gouttes de sueurs dévalent leurs visages et soudain, dans un bruit de chuintement, le sas s’ouvre et dedans il y a quelqu’un qui dort. Un petit bonhomme de rien du tout et le commando lèvent ses armes. L’un cri : « la tête ! tu n’as qu’un coup ! » et soudain tout explose, le commando suffoque sous dans les flammes des grenades et la lumière leur perce les tympans alors l’un deux tire à l’aveugle.
Le Dreamcaster s’éveilla en larmes. Il avait un trou dans l’épaule.